top of page

Épisode 2 : Vive la Résistance au Changement !


Retranscription de l'épisode 2 : Vive la résistance au changement ! Invité Pierre Blanc Sahnoun.

Épisode publié le 5 avril 2022


Pour ce deuxième épisode, j'ai le plaisir et l'honneur d’accueillir Pierre Blanc-Sahnoun. Pierre se décrit lui-même comme un musicien qui a fait du coaching toute sa vie.


Il fait partie de la toute première génération de coachs en France. Il contribue à introduire les Pratiques Narratives en France, qui nous viennent d'Australie, et surtout à les adapter au domaine du coaching et de l'entreprise. Membre fondateur de l’EMCC, fondateur de la Fabrique Narrative, il est chroniqueur dans des publications comme Management et auteur de nombreux ouvrages dont : L'art de coacher ; Manager : tout un art, ou encore, Business Blues.


Il se consacré aujourd'hui à sa carrière de musicien et d'auteur compositeur. Il nous parle aujourd'hui d'une thématique passionnante et d'actualité : la résistance au changement en entreprise.


Fabiola Ortiz (FO) : Bonjour Pierre ! Ravie de t'avoir ici dans le podcast Je Résiste donc Existe. Pourquoi t'avoir invité ? Parce que tu as énormément travaillé sur le sujet qui va nous occuper aujourd'hui qui est la résistance au changement. J'ai beaucoup aimé comment tu décrivais ton travail. À un moment, tu avais l’avais décrit en ces termes : réconcilier les intentions stratégiques globales d'une entreprise et les cultures de travail local.


Pierre Blanc-Sahnoun (PBS) : Ce qui n'est pas toujours évident même parfois c'est irréconciliable !


FO : Oui, tout à fait. C'est tout le sujet de la transformation et de la vision du changement. Ce sujet m'intéresse, j'aimerais avoir ta vision parce que ça a été aussi un peu un point de départ de ma carrière de coaching. Je me suis intéressée au sujet, d'abord en tant que Directrice Financière d'une entreprise où il y avait de gros projets de transformation. Je me disais : mais il y a vraiment quelque chose à faire au niveau de l'humain, de l'accompagnement. Donc, au début de ma carrière de coaching, je me suis d’abord dirigée vers ce genre de projet, surtout en formation et coaching, bien entendu. Et un truc qui m'a frappé, c'est déjà une vision très méthodologique, avec beaucoup d'outils et puis qui mettait en opposition des populations. Donc d’un côté, les collaborateurs, qui étaient réfractaires, attachés à leur quotidien, à leur existant, pour pas de raison valable et puis, d’un autre côté, les leaders qui savaient mieux que tout le monde et qui finalement devaient mobiliser ces populations. Donc la résistance vraiment présentée comme un dysfonctionnement.


PBS : Alors, il y a plusieurs choses à dire là-dessus. Tout d'abord, merci de m'inviter dans ton podcast. C'est un grand honneur et un grand bonheur d'y participer.


Alors, pour aller sur le sujet de la résistance au changement et des grands bouleversements qui partent de la méthodologie : oui, la plupart des grands groupes aujourd'hui sont en transformation permanente. Alors, on y reviendra peut-être, mais il y a des programmes qu’on appelle aujourd’hui de l’accompagnement des transformations. Il y a dix ou quinze ans, on parlait de pilotage du changement. Depuis quinze ans, ce qu'on a pu voir dans la plupart des grands groupes c'est une espèce de folie de la transformation. Ceci a pour but, on peut y revenir aussi, de faire plaisir à l'actionnaire, de détourner son attention, de lui dire : « Regarde Actionnaire ! Je suis en train de transformer l'organisation pour la rendre encore plus rentable ! »


Parce que, malheureusement, ces vingt dernières années, ce que j'ai vu c'est le capitalisme de marché prendre le pouvoir total sur la plupart des entreprises. Et à partir du moment où une entreprise est reprise par du venture capital, ou est mise en bourse, les dirigeants opérationnels sont à plat ventre devant les actionnaires, en train de regarder uniquement le cours de bourse. Donc, la plupart du temps, ces grandes réorganisations, ces grandes transformations sont uniquement une espèce de danse du ventre qui est faite pour faire plaisir à l'actionnaire.


FO : C'est très intéressant ce que tu dis. Pour certains groupes, la complexité du sujet est que l'actionnaire, parfois, il n’est personne. Il y a des groupes où l'actionnariat est tellement dilué que l’action devient tout simplement une commodity (marchandise).


PBS : Alors, c'est le plus grave ! Il y a vraiment un basculement dans l'entreprise au moment où l'actionnaire devient « personne. » C'est-à-dire que, tant que l'actionnaire est quelqu'un qui peut croiser des êtres humains de l'entreprise sur son trajet quotidien, à la limite, les décisions qui sont prises sont moins impitoyables et moins horribles qu’au moment où le capitalisme devient anonyme, c'est-à-dire, boursier ou dilué dans des fonds de venture capital qui sont pour la plupart d'une cruauté et d'une indifférence absolue au destin des communautés de travail.


FO : Quand tu dis : il y a un actionnaire qui croise encore les gens, c'est-à-dire, que ce sont des gens ou des entités, parce que parfois il s’agit d’autres organisations, mais qui peuvent connecter avec la mission de l'entreprise et avec sa place dans la société. Alors que, quand tu dis que c'est totalement anonyme, il y a une notion de spéculation qui, finalement, prend la place.


PBS : Totalement ! Et qui élimine toute idée de projets industriels autres que financiers. Tu vois, par exemple, on connaît tous cette règle qui fait que, lorsqu’une entreprise annonce des plans sociaux, cela fait monter le cours de l'action. Cela donne les plans sociaux boursiers depuis quinze ou vingt ans. Pour faire monter artificiellement le cours de l'action, on vire des gens et le marché se réjouit qu'il y ait moins d'êtres humains parce que l'entreprise va être plus rentable puisqu’il va y avoir moins de masse salariale.


Mais la pensée du marché, si tant est qu’elle en ait une, est celle d’un psychopathe obsessionnel de la marche du TRI (taux de retour sur investissement). La pensée du marché est totalement dissociée, c'est-à-dire que jamais le marché ne se demande si ça a un sens du point de vue industriel ou du point de vue d'un projet stratégique. Il y a donc ce moment où le capital prend le dessus. Je vois cela très clairement. J'ai accompagné beaucoup de start-up qui grandissent, qui font des levées de fonds et, à partir du moment où elles retrouvent des ventures capitalistes à leur Conseil d'Administration, les fondateurs passent plus de temps à se battre contre leurs actionnaires et à leur fournir des papiers et des preuves et des projections et des trucs et des machins, qu’a travailler.


Il y a vraiment un moment où l'actionnaire devrait être un partenaire et c'est le cas dans très peu d’entreprises. Le plus souvent, l'actionnaire est un contrôleur sourcilleux et vécu par l'organisation opérationnelle comme un ennemi. On lui ment, d'ailleurs.


Parmi toute la gamme de résistance que les communautés de travail ont mises au point, et moi j'étais passionné pendant les vingt dernières années sur comment des sous-cultures clandestines se développent dans les communautés de travail local humaines pour résister contre ces grands systèmes. Ces grands systèmes mis en œuvre par des dirigeants écartelés entre des principes et des éthiques contradictoires. Ce qui explique que le coach de dirigeant accompagne des personnes qui exercent le pouvoir et qui sont très bien payées pour le faire et à qui on demande de faire des trucs vraiment chelou. Et plus ils sont payés, plus on leur demande des trucs chelous. Donc ils sont eux-mêmes accompagnés par des cabinets de conseil. Alors, on en parle en ce moment parce que des cabinets de conseil se sont infiltrés dans l'État, les McKinsey et compagnie.

Ce ne sont pas les seuls. On a tous beaucoup profité des services de l'État, de la déconcentration des services de l'État depuis Sarkozy, la RGPP, du Map. On y reviendra aussi parce que les services de l'État et la fonction publique est un grand réservoir de résistance.


Effectivement, ces grands cabinets comme McKinsey déroulent du process. Ils envoient sur le terrain des consultants extrêmement arrogants, de jeunes consultants arrogants, qui considèrent les salariés, par principe, comme des imbéciles donc qu’ils contournent et qui ne s'en font pas du tout des alliés.


Ce que je trouve extrêmement fascinant est l'intelligence collective déployée par les communautés locales de travail pour résister à tout ça.


FO : Dans ton livre, L'art de coacher, tu disais qui avait ce cycle où il y avait une résistance qui était basée sur le sens, sur des choses qui sont précieuses à ces communautés de travail. Qu’en face de cela, on mettait des consultants ou des outils qui donnaient des réponses et des interventions qui étaient tout sauf créatrices de sens et que cela renforçait, et là j’ouvre les guillemets, « les cultures clandestines de résistance. » Ce serait intéressant que tu développes un peu plus le concept sur ce cycle.


PSB : Ce qui est important à comprendre, et que les dirigeants souvent ne comprennent pas, est que pour résister, il faut être intelligent. La résistance est une preuve d'intelligence et très souvent les dirigeants excités par de grands cabinets de conseil en stratégie considèrent que la résistance au changement est une preuve de bêtise. C'est-à-dire, qu’il y a une espèce de catéchisme managérial qui te dit : le changement c'est bien, la résistance c'est mal ! Et donc, on va traiter la résistance comme une pathologie. La résistance au changement va être identifiée comme un symptôme que les gens sont idiots, qu’ils ne sont pas capables de suivre, qu’ils sont archaïques, etc …


On va donc envoyer des « chirurgiens » pour, disons-le ainsi, faire l'ablation de la résistance. Considérant la résistance comme un ennemi, on va la combattre. Mais c'est un peu comme administrer des calmants, comme filer des antidépresseurs à quelqu'un sans s'occuper de connaître les causes de sa dépression.


Tu vois, c'est une politique d'anti-douleur et ça ne marche pas ! Ça ne marche pas du tout ! Alors que, pour revenir à la résistance au changement, les gens ne résistent jamais CONTRE quelque chose, ils résistent toujours AU NOM DE quelque chose.


Ceci est important à comprendre quand tu diriges une boîte et que tu veux faire un plan de transformation. Quel que soit le changement, si les communautés travail résistent c’est au nom de quelque chose, et tant que tu n'as pas compris au nom de quoi les gens résistent, et tant que tu n'es pas allé les voir, et tant que tu ne leur as pas dit : « je respecte, j'ai compris au nom de quoi vous résistez, je le respecte et on va on va faire en sorte de le protéger, on va faire en sorte de le préserver parce que l'idée du changement ce n'est pas de le balayer, ce n'est pas de le détruire, bien au contraire, c'est de trouver d'autres façons pour que l'entreprise puisse garder son âme culturelle au nom de laquelle vous résistez. »


Eh bien, tant qu'on ne fait pas ça, autant pisser dans un violon. Tous les programmes d'accompagnement du changement, les chartes, les machins, les trucs, ça ne sert qu'à enrichir des consultants.


FO : C'est intéressant. Je reviens à cette vision dont j’ai parlé selon laquelle on mettait en opposition des populations de l’entreprise. Et, effectivement, mon expérience quand j'allais parler avec des gens dans le cadre de ces séminaires, de ces accompagnements de coaching, je constatais que, finalement, il y avait très peu de gens qui résistaient pour résister ou parce qu'ils étaient attachés à leur quotidien. Tu entends des choses qui étaient mais super profondes, super valables. Par exemple, des gens qui étaient attachés à leur métier. Je me souviens d’une femme qui m'avait dit : « J'ai 30 ans de boîte. Avant, j'avais un métier. Aujourd'hui tout est tellement découpé que je suis comme un comme un pion. J'ai du mal à trouver du sens dans ce que je fais. »


On perçoit cet attachement à des choses qui sont précieuses : la relation dans l'entreprise, la mission, comment parfois on résiste parce que la transformation ou la façon dont on nous propose de la faire menace l'ADN même de l'entreprise, la relation client. Il s’agit aussi de gens qui sont proches du terrain et qui connaissent leur métier. On gagnerait donc beaucoup à leur faire confiance, à écouter aussi pourquoi ils résistent et se demander : « Qu'est-ce qu'on peut intégrer de leurs propositions ? » Il s’agit de donner de la place à l'émergence.


PBS : En fait, un truc qui a tué les métiers c'est l'organisation matricielle. C'est-à-dire que, depuis 20-25 ans, la plupart des grands groupes se sont organisés en silos verticaux. Des silos opérationnels verticaux qui sont des centres de profit traversés par des lignes horizontales transversales. Ces lignes traversent tous les silos et sont des centres de compétence : des services généraux, des services supports. Cette organisation c'est aussi un truc de consultant provenant des cabinets américains de conseil. Cela a été inventé parce que c’est beaucoup plus facile de contrôler une entreprise mondiale sous cette forme là et puis aussi parce que personne ne sait plus où il habite. C'est-à-dire que chaque personne dépend de deux managers différents : d'un côté, un manager opérationnel du territoire sur lequel il travaille et, d'un autre côté, quelqu'un qui est ailleurs, peut être en Europe ou aux Etats-Unis, auquel il va être relié par une ligne pointillée. Une espèce de hiérarchie qui n'en est pas une et donc à chaque croisement, il y a des conflits, il y a des incompréhensions. Et donc, quand les gens ne comprennent pas, quand les gens perdent leur identité, qu'est-ce qu'ils font ? Ils se réfugient dans la dernière identité compréhensible disponible. Cela va être les gens de mon étage, les gens de ma filiale, les gens de mon village, les gens de ma vie.


Cela portera sur la proximité géographique. C'est-à-dire, qu'il y a une alliance qui va se faire autour des gens que je vois tous les jours, à qui je dis « bonjour » tous les jours en arrivant au bureau et je vais être beaucoup plus allié avec eux qu'avec les grands invisibles qui m'envoient des notes par mail à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit qui n'ont aucun sens pour moi. Des ordres puis des contre-ordres.


Et donc c'est comme ça que se créent des communautés de travail résistantes qui vont mentir et qui vont développer à la fois des pratiques de solidarité et des pratiques de mensonges pour avoir la paix et pour pouvoir continuer à faire leur travail. Parce qu'il y a un amour du travail bien fait. Donc toute cette résistance n’est pas destinée à glander, elle permet de pouvoir continuer à bien travailler.


Au début du logiciel Chorus qui est une espèce d’usine à gaz de l'État, logiciel ERP et de facturation de l'État qui ne marchait pas, qui ne marche toujours pas hyper bien, d’ailleurs. Il ne marchait pas du tout à l’époque où j’intervenais dans des services du ministère de l’Agriculture. Les gens avaient fait des tableaux Excel clandestins pour savoir où ils en étaient de façon que les agriculteurs puissent quand même recevoir leurs subventions en temps et en heure parce qu’ils savaient très bien qu'il y avait des suicides d'agriculteurs. La situation des petits agriculteurs qui ne recevaient pas leurs subventions au bon moment était dramatique. Et donc, on avait des agents du ministère de l'Agriculture qui trichaient sciemment pour pouvoir continuer à faire leur métier.


Souvent, ce qui est défendu par les communautés de travail locales c'est l'amour du métier, c'est le sens du service au client. La résistance s’oppose à une série d'injonctions absurdes qui n'ont pour but que de mettre du pognon dans la poche de l'actionnaire. Or personne ne tombe amoureux de ça ! Personne ne tombe amoureux d'une courbe de croissance !


FO : Ah oui, tout à fait ! Et puis, je trouve intéressant ce que tu as mentionné lors l’une des tes interventions. Ceci donne aussi lieu à des histoires dominantes dans l'entreprise. Pour rappel, une histoire dominante dans les Pratiques Narratives est une histoire qui situe les problèmes au sein des personnes. Ce sont des histoires qui nous laissent un peu impuissants face au problème.


Il serait intéressant que tu développes comment cela affecte les communautés de travail. Je pense notamment aux Big Five et Big Six dont tu avais parlé.


PBS : Alors, on avait parlé des Big Five. Pour expliquer comment une histoire devient dominante : normalement, il y a plusieurs histoires pour parler de la même chose. Tu peux rendre compte de la même situation de plusieurs façons différentes, à partir de plusieurs points de vue différents. À partir du moment où il y a plus qu'une seule version, l'histoire devient dominante. Elle change de t-shirt qui indique « Je suis la vérité. » Je suis la vérité puisqu’il n’y en a pas d'autres pour la contredire.


Malheureusement, il y a un certain nombre de « vérités » économiques qui sont apparues depuis assez longtemps, d'ailleurs. Par contre, elles n’étaient pas dominantes parce qu’il y avait tout un débat social qui était possible autour de ça. Il y avait aussi des alternatives sur l'économie sociale et solidaire.


Depuis la financiarisation de l'économie, enfin la financiarisation patrimoniale des entreprises dont je parlais tout à l'heure, la finance de marché prend le pouvoir partout, même dans les domaines de la santé, même dans des domaines où elle n’a rien à faire, où on va avoir ces histoires qui, non seulement, sont dominantes mais qui ne sont plus remises en question. Elles deviennent un catéchisme et structurent la vie de l'entreprise, elles structurent la vie de l'économie et détruisent toute forme de vie humaine.


On avait appelé ces histoires les Big Five car j'avais travaillé là-dessus avec une collègue, Chené Swart qui est une coach sud-africaine et, en Afrique du Sud, il y a des parcs animaliers, notamment le Kruger Park, où l’on rencontre des animaux sauvages et en particulier le lion, l'éléphant, le buffle, le rhinocéros, etc qu'on appelle les Big Five. Donc, c'était une façon de les présenter.


Effectivement, il y en avait cinq. La première était la Performance. Selon cette histoire, une entreprise doit être performante, de plus en plus performante. C'est-à-dire, qu’une entreprise ne peut pas viser d'être moins performante, elle doit toujours viser un meilleur ratio rentabilité.


La deuxième des Big Five était le Pognon dans la Poche de l'Actionnaire. Une entreprise est là pour enrichir ses actionnaires et pas pour les appauvrir. Ce sont des trucs qui te sont présentés comme des vérités éternelles, alors que c'est construit par des gens qui ont intérêt à ce qu'on raconte cela, à ce qu'on y croit. Cela est construit, c'est pour ça qu'on déconstruit. Déconstruire en Pratiques Narratives ne veut pas dire démolir, ça veut dire montrer les fils, montrer que ça a été fabriqué à un moment donné par un groupe privilégié pour des intérêts privés de pouvoir et de privilèges.


La troisième c'est la Conformité. L'entreprise est une mini-dictature. Quand ton chef te donne un ordre, tu le fais. Tu es un citoyen libre dans un pays libre. Normalement, tu es censé vivre en démocratie sauf dix heures par jour quand tu es dans ton entreprise où tu es dans une mini-dictature où tu fais ce que te dit ton chef.


La quatrième est la Compétition. Nous sommes en compétition permanente les uns contre les autres. Les forts mangent les faibles. Donc, si on ne veut pas être mangé, il faut être plus fort que les autres ce qui est une espèce de métaphore merdique de la vie de la nature. Ce qui est faux car la vie de la nature est basée sur la coopération et pas du tout sur la compétition. La place de la compétition est extrêmement minoritaire par rapport à celle de la coopération.


Et j'ai gardé la cinquième pour la fin parce qu'elle est la plus grave, la plus tragique : la Croissance Éternelle. Selon cette histoire, une entreprise doit croître tout le temps, sans arrêt. C'est-à-dire que, quand tu présentes un budget pour l'année suivante, il doit être en progression sur l'année précédente sinon tu te fais virer. Et l'année suivante, il doit être encore en progression. Essaye de présenter un budget sans croissance et, même ce que j'ai vu des millions de fois, un budget en croissance réaliste de quelques points de pourcentage en tenant compte des conditions du marché et d’autres facteurs : ça leur revenait du siège social avec des chiffres complètement changés, complètement irréalistes produits par un siège social complètement schizophrène qui disait : « Non, non, non, non ! Le budget ça doit être ça ! » Parce que le siège social parlait aux actionnaires et qu’il se devait de faire plaisir aux actionnaires.


FO : Même dans des contextes où le marché est lui-même en régression. Il faut être quand même en croissance ! Comment on fait ?


PBS : Il faut être en croissance et le dire et cela est en train de détruire notre planète. Très clairement, cette injonction à la croissance est en train de détruire totalement notre planète. C'est une folie au sens psychopathologique.


Cette espèce d'histoire dominante de la Croissance Infinie. Il y a des gens qui ont dit ça beaucoup mieux que moi, Jancovici notamment. Je ne suis pas un spécialiste de ça. Mais ce qui contribue très fortement à détériorer les conditions de vie de l'être humain, ce sont les grandes entreprises qui se comportent comme des psychopathes, totalement insensibles à l'intérêt de l'espèce. Donc, à mon avis, personne ne nous regrettera.


La sixième histoire, décrite quelques années après les Big Five, provient de mes discussions avec Natacha Rozentalis qui est une collègue française, coach narrative et enseignante. Nous avons identifié cette injonction à la Transformation Permanente. Elle permet, à la fois, de faire rêver l'actionnaire et le marché donc, et puis, de brouiller les cartes tout le temps et de faire gagner du temps aux dirigeants opérationnels à un moment donné, quand tu annonces un grand plan de réorganisation. C’est la fameuse blague des trois enveloppes.[1] Quand tu annonces un grand plan de réorganisation, tu gagnes un an ou deux, le temps de mettre le truc en place et donc, tu sécurises un tout petit peu ta position.


FO : Je voulais te demander quelle est une histoire préférée ? Quelle est l'alternative que nous proposent les Pratiques Narratives par rapport à cette optique du changement ? Tu vois, parce que certaines personnes nous disent que la transformation continue est nécessaire en raison d'un monde VUCA[2] qui évolue en permanence. Mais, ce serait justement l'occasion d'adopter une autre approche qui soit plus responsabilisante pour les communautés et qui donnent plus de place à l'émergence.


PBS : C'est obligé ! Parce que sinon, toutes ces boîtes-là, avec leurs grands programmes, vont vers des naufrages lents. Des boîtes qui, de programme de transformation en programme de transformation, amènent juste les dirigeants vers la retraite et laissent les dettes aux générations suivantes.


Il faut savoir que ces Big Five ou Big Six sont très puissants. Donc comment combattre ce truc-là ? Parce que je rappelle que les Pratiques Narratives ont été créées pour des communautés en difficulté et en déshérence, confrontées à de grandes souffrances et de grands problèmes. Lorsqu’on est coach narratif, c'est-à-dire quand on amène ces diamants-là dans l'entreprise pour les mettre au service, quand on est payé, on l’est par les Big Fives. Quand on amène ces idées-là dans l'entreprise, ça pose quand même un certain nombre de questions éthiques pour le coach narratif. Par rapport à ça, je renvoie vers la charte éthique des coachs narratifs qui, à ma connaissance, est la seule charte éthique composée uniquement de questions. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de dire « tu dois faire si, tu ne dois pas faire ça » comme dans les chartes des associations professionnelles. C’est plutôt, un certain nombre de questions à se poser avant d'entreprendre une mission ou pendant la mission, ou à se faire poser par son superviseur ou par un collègue. Cette charte « narréthique » est sur le site de la Fabrique Narrative. [3]


C'est un vrai sujet pour un coach d'aller là-dedans. Le coaching narratif n'existe pas en Nouvelle-Zélande. Ann Epston, femme de David Epston[4], me demandait un jour : « Qu'est-ce que c'est exactement un coach d'entreprise ? » Donc, j'essaie de le lui expliquer. Elle me répond : « Mais, je crois que j'ai compris ce que tu veux dire Pierre. En fait, c'est comme aux galères, du temps des romains, tu es le mec qui masse les épaules des galériens quand ils sont fatigués pour qu'ils aient un petit peu moins mal. » Et j'étais désolé qu’elle ait compris ça. C’est une métaphore qui m'a hanté pendant des années. Quand j’intervenais dans les entreprises, je me disait : « Est-ce que je suis en train de masser les épaules des galériens ? Est-ce vraiment tout ce que je fais ? »


Donc, il ne faut pas oublier qu’il y a une dimension politique dans toute intervention narrative. Il faut faire attention. Aujourd’hui, il y a beaucoup d'écoles de Pratiques Parratives qui se multiplient et il faut faire attention à ce que ça ne devienne pas un outil parmi d'autres, à ne pas perdre cette idée de la dimension éthique et politique de l'Approche Narrative et qui consiste à amener de la dignité et de la beauté dans la vie de ceux qui en ont le moins possible.


Donc, c'est facile de se péter les adducteurs à faire trop le grand écart entre différentes intentions.


FO : Donc ne pas tomber dans le piège de l'instrumentalisation du coaching au service de ce qu'on essaie de changer dans l'entreprise.


PBS : Exactement, parce qu'il y a quand même des outils hyper puissants dans l'entreprise : de travailler avec les cultures, travailler avec les traditions, travailler avec les légendes, travailler avec les héros dans l'entreprise. Travailler avec tous les récits qui fondent une culture d'entreprise, qui fondent une culture humaine, tout simplement. On parle des entreprises mais ce serait pareil dans une tribu préhistorique, à la Cour du Roi Louis XIV. C’est pareil ! Dans une cour de récré, dans un groupe de rock, … Les groupes humains sont toujours les mêmes.


Donc ce que je trouve à la fois efficace et digne, c'est de s'intéresser à ce qui est important pour les personnes qui travaillent, pour les personnes de terrain et notamment pour les managers de premier niveau qui constituent la vertèbre fragile du changement. C'est toujours celle qui pète en premier et comme le changement est accompagné d'une attitude arrogante, les managers, qui sont peu informés et peu considérés, basculent toujours du côté des communautés. Donc, au lieu d'accompagner le changement, ils accompagnent la résistance. Ils deviennent des agents d'amplification de la résistance. Bon, ça c'était une parenthèse.


La première chose à faire est d'aller à la rencontre des personnes, de discuter avec elles, de comprendre ce qui est important pour elles. Un programme de transformation qui voudrait fonctionner correctement, de façon narrative, devrait commencer par aller voir les gens et par leur demander : « Qu'est-ce qu'il ne faut surtout pas changer ? Qu'est-ce qui est tellement important qu'il ne faut surtout pas le changer ? » Ensuite, construire le programme de transformation en contournant ce truc-là.

Après, il y a plein de programmes de transformation qui sont débiles. Je te l'ai dit tout à l'heure. Il y a plein de programmes de transformation dans les entreprises qui ne servent strictement à rien d'autre qu'à faire rêver les actionnaires. Donc la résistance est souvent très sensée parce que les gens se retrouvent à travailler avec des logiciels moins performants qu'avant, avec moins de monde.


C'est typiquement le cas dans l'administration depuis la révision générale des politiques publiques. Il y a de moins en moins de monde et de plus en plus de travail mais il ne faut pas le dire parce que, au niveau des directeurs, la politique c'est : « pas de vagues. » On ne veut pas que ça remonte vers le Ministère, donc ils ont une philosophie, je les cite : « PCPE pour Pas de Couilles, Pas d'Embrouilles. » Elle consiste à ne jamais faire remonter les problèmes. À un moment donné, on leur dit : « Vous ne dites rien, mais vous n'abandonnez pas de mission. Mais vous pouvez les faire en mode dégradé. »


Dans les années 2015, qu'ils ont inventé le « mode dégradé. » Ça veut dire « vous faites de la merde, on le sait, vous le savez mais on ne le dit pas. »


FO : Et cela passe par là. Ce que tu dis est, dans la transformation, d'aller écouter les gens et ce qui est précieux pour eux. Pour moi, une transformation qui se justifie est une transformation qui est liée directement à un environnement volatile et changeant, au marché, au besoin de notre client. Enfin, quelque chose qui se justifie par un vrai changement de l'environnement. Il s’agit de la capacité de résilience de l'entreprise et d'adaptation pour répondre à une nouvelle réalité. Donc, pour moi, c'est exactement cela qui se justifie.


PBS : Parce que, quand tu parles de ça, tu es dans une réalité industrielle et opérationnelle et que les gens ont pleins d'idées. C’étaient les cercles de qualité dans les années 70. C'est ce qu'on faisait dans les années 70, les lois Auroux, les cercles de qualité. Alors, tout ça remonte, mais c'était c'est ce qui était fait à l'époque parce qu’il y avait un dialogue social ou, en tout cas, une tradition de contestation sociale qui n’existe plus maintenant. On a un PS à 2%, quand même ! Toute la gauche socio-démocrate est partie chez Macron qui a un peu de mal, qui est un ancien banquier.


FO : On ne va pas faire de politique, à une semaine des élections, Pierre !


PBS : Oui, oui, d'accord !! Bon, je ne vais pas faire de politique. J'espère que ça ne va pas lui coûter sa réélection !!


Donc, l'idée est de manifester du respect pour ce qui est important pour les gens. Parce que, si c'est important, c'est qu'il y a une raison. Manifester du respect ce n'est pas faire semblant de prendre en considération. C'est d’avoir un vrai respect pour ce qu'ils ont à dire.


J'ai fait des poèmes d'entreprise où je mettais en poème ce qui était important pour les personnes et notamment pour des groupes qui avaient été trahis à plusieurs reprises dans le cadre de plans de transformation. Ensuite, je demandais au Comité de Direction : « Qu'est-ce que vous avez à leur répondre ? C'est quoi votre poème à vous ? » Ils avaient énormément de mal à prendre en compte ce qu’ils avaient à dire.


Chaque fois que j'avais mené des interventions avec des groupes de salariés et qu’on revenait devant le Comité de Direction avec les groupes de salariés pour présenter les conclusions de leur travail, le Comité de Direction était vert de peur de ce que les salariés avaient à dire. « Ils vont sûrement nous demander une salle de repos ! » Ça, c'était des trucs systématiques ! « Ils vont sûrement nous demander une salle de repos ! »


C'est d'une arrogance hallucinante parce que ça montre un discours dominant sur les salariés : qu’ils sont des cochons, des paresseux et donc tout ce dont ils peuvent rêver c'est d'une salle de repos pour ne rien faire. Donc voilà ! Parfois c'est impossible. Parfois, tu te rends compte que tu vas recueillir la volonté des gens, tu vas la présenter au Comité de Direction qui refuse de l'entendre. Donc, dans ces cas-là, la mission échoue et tu crées un village gaulois. C'est-à-dire que la situation est pire qu'avant. Les personnes ont été écoutées, ont été heureuses d'être écoutées, mais par contre, elles ne sont pas entendues. Il n’y a pas de réponse en face de la part des dirigeants. Donc, ça les met en colère parce qu'elles se sentent floués et, du coup, elles deviennent ce que j'appelle un village gaulois : des gens qui s'organisent dans la résistance. Je peux raconter une histoire sur ça ?


FO : Bien sûr ! Vas-y !!


PBS : Il y a un exemple qui m'a marqué. C’était il y a pas mal d'années. J'étais intervenu auprès d'une boîte qui s'appelait les Pages Jaunes et qui faisait des annuaires en papier. Elle avait été vendue à un fonds américain, KKR, qui était en train de piller toutes ses réserves et de les faire passer le plus rapidement possible aux États-Unis.


Donc, j'étais intervenu auprès d'une direction où les managers avaient complètement perdu contact avec leurs troupes. Ils ne savaient plus ce qu'ils faisaient. Donc, j'avais mené une série de groupes avec la coach interne, des groupes de récits avec les salariés. Ils racontaient qu’on leur avait imposé des procédures qui étaient impossibles. C'est-à-dire, que les nouvelles procédures les empêchaient de travailler. Les gens qui les avaient faites ne s'étaient pas du tout intéressés à leur travail pour comprendre de quoi ils avaient besoin. Donc, ils avaient organisé tout un truc clandestin où il y avait, par exemple, une bourse du travail. Comme il y avait des équipes qui se retrouvaient à ne rien faire et d'autres qui se retrouvaient complètement débordées, il y avait une espèce de Bourse de Coups de Main où ceux qui étaient débordés pouvait demander des coups de main à ceux qui ne faisaient rien.


Il y avait aussi des réunions clandestines parce qu'ils n’avaient pas le droit de se réunir entre eux. Donc, ils faisaient semblant d'aller chez le dentiste, ou ils se retrouvaient au bistro pour faire des réunions de travail. Il y avait des gens qui s'appelaient des « burettes », qui « mettaient de l’huile » c'est-à-dire des anciens, un peu reconnus qui mettaient un peu de liant dans tout ça. Bref, ils avaient réinventé le Lean Management. Et donc moi, j'étais hyper impressionné. Je leur disais : « Vous avez réinventé le Lean Management !! Vous savez que ça existe et qu’il y a des consultants qui gagnent beaucoup d'argent en proposant aux Directions de mettre en place ce que vous avez trouvé tous seuls ! »


Donc, j'avais fait une chanson d’entreprise. Comme ils n’arrivaient pas à se faire entendre, c'était un gros rock avec du gros son vraiment très hard et puis j'avais fait un poème, un texte. Il y avait des dessins, des images. On avait présenté tout ça au Comité de Direction. Et là ! Réaction du Comité de Direction hyper décevante : « Ah !! mais il y a des gens qui ne respectent pas les procédures ?? C'est un scandale !! » Et là ! On avait vraiment envie de se tirer une balle. Mais vous n'avez rien compris !!


FO : S'il y a une conclusion à cette histoire c'est quelque chose que tu as déjà dit au cours du podcast mais je le répète car je trouve ça très beau et ça résume tout : c'est qu’on ne résiste pas « contre … » mais « au nom de … »


PBS : Je te donne la conclusion de cette histoire. C'est qu’ils ont fait un plan d'action en quarante-sept points. Tu vois avec des KPI et des indicateurs de progrès qu'ils ont confié à la coach interne. Donc, tu imagines bien qu'un plan d'action à quarante-sept axes de progrès, c'est typiquement ce qu'on utilise pour tuer un projet. Et donc, le projet est mort de sa belle mort. Leur service a été reconstitué à l'identique avec des consultants McKinsey qui ont été débauchés, qui étaient tous proches de la Direction Générale. Donc, ils ont été étouffés, disons.


Mais cinq ou six ans plus tard, la coach interne, avant de prendre sa retraite, me disait : « Bah ! tu vois, les réunions qu'on a faites, ils s’en souviennent encore. Ils se souviennent encore de la chanson ! Et ils se souviennent encore qu’il y a quelqu'un de l'extérieur qui leur a dit « ce que vous faites, c'est vachement bien ! Oui OK ! Vous contournez les procédures, c'est vrai, on s'en fout, c'est vachement bien parce que vous avez inventé une façon de fonctionner pour arriver quand même à faire votre travail ! »


FO : C'est quand même fou la créativité et la résilience !


PBS : Oui ! C'est fascinant ! Ça me donne un espoir extraordinaire. Ça m'a porté pendant des années. À la fin, avant de prendre ma retraite, je n'en pouvais plus de voir le cynisme des Directions. Pas forcément les Directions Opérationnelles en France. Les Directions de filiales qui sont plutôt déchirées entre les communautés travail local parce qu’elles sont quand même la dernière station avant l'autoroute. Donc ça veut dire qu’elles voient les communautés de travail locales, et en même temps, elles sont au service de l'Empire. Donc, le dirigeant de filiale, il est vraiment déchiré dans ce truc-là.


Mais, par contre, de voir la puissance de résilience qui s'exprimait à travers ces groupes et qui étaient des groupes très cohésifs et qui étaient des groupes où on ne se suicidait pas. Parce que, c'est pareil, on avait fait une mission pour Orange à l'époque où il y avait des suicides. On s'était intéressé, non pas aux causes des suicides, mais aux endroits où les gens ne se suicidaient pas. Il y avait des communautés locales à forte culture solidaire, semi clandestine, et si tu veux, pour ton générique de fin, je te passerai la chanson des Pages Jaunes. Je l’ai gardée.


FO : Ah oui !! Ce serait top !!


Tout à l'heure, tu mentionnais Chené Swart. Je mettrai le lien vers le livre qui s’intitule Re-Authoring the World[5] et se traduirait par Réécrire le Monde. Malheureusement, il existe seulement en anglais. Elle dit que ça passe aussi par une nouvelle vision du leadership. On est vraiment très attachés à cette vision du leadership comme quoi il y a une bande de suiveurs, des gens qui sont, plus ou moins, des moutons et puis, le leader qui a énormément sur les épaules et qui doit mener tous ces gens, qui doit avoir une vision, qui doit avoir des qualités des leaders comme si comme si ça voulait dire quelque chose. Alors qu’il y a tellement de styles, on a tous un leadership en nous.


Sa vision du leadership est de vraiment renverser le pouvoir, de créer les conditions de la diversité, de la complémentarité, de l'interdépendance pour créer l'émergence. De permettre à cette résilience, à cette créativité, à ces talents d’émerger et d'être force de proposition pour construire des vraies transformations qui, d'ailleurs, sont des transformations d'adaptation opérationnelle, d'adaptation à un nouvel environnement et qui protègent ce qui est précieux à nos yeux qui est, par exemple, la mission de l'entreprise et la mission envers le client, ce qu'on incarne dans son travail, dans son identité professionnelle, l'amour de son métier. Donc, c'est intéressant de se dire que cela passe aussi par abandonner un discours dominant sur ce qu'est le leadership et par où il doit passer.


PBS : Voilà ! C'est une très belle conclusion. Je n'ai rien d'autre à rajouter sinon que ce discours dominant est fortement patriarcal, donc il y a aussi quelque chose à regarder de ce côté-là


FO : Merci infiniment, Pierre ! Ça a été un plaisir de partager toutes ces idées par rapport à la résistance au changement. Je répète encore un mot de fin et je te laisse la parole pour conclure : On ne résiste pas « contre … », on résiste « au nom de … », de valeurs, de principes, de l'amour du métier. C’est vraiment le message que j'aurais envie de passer. En quoi la résistance est précieuse !


PBS : Voilà, c'est le message essentiel. Il est essentiel de le faire comprendre aux managers d'entreprise qui qui ont envie de faire avancer leur entreprise et d'éviter les transformations inutiles autant que possible, parce qu'en même temps beaucoup sont soumis à l'autorité délirante du siège social, qui est souvent délirante au sens psychopathologique. Mais, également, parce que, lorsqu'on écoute les communautés de travail, on ne peut pas se tromper et lorsqu'on construit avec elles, en respectant leur culture, c'est-à-dire en respectant l'ensemble des pratiques et des traditions qu'elles ont mises au point et les valeurs que ces traditions honorent, on ne risque pas de rencontrer de la résistance mais au contraire de l'enthousiasme.


FO : Merci infiniment, Pierre ! Ça a été un plaisir et un honneur de t'avoir sur ce nouvel épisode et je vous retrouve très bientôt.


Crédit image : 123rf - nemejimenez - ID 148044348


[1] Pour ceux qui ne la connaîtraient pas : voici un lien vers la blague des trois enveloppes : https://blague.dumatin.fr/2020/06/les-trois-enveloppes/

[2] Initiales en Anglais pour un monde Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu

[3] Vous trouverez la Charte et ses questions sur le lien suivant : http://www.wikipratiquesnarratives.fr/pdf/Kit-etiK_v4-0-1.pdf

[4] Avec Michael White, David Epston est un des fondateurs des Pratiques Narratives.

[5] Re-Authoring the World: The Narrative Lens and Practices for Organisations, Communities and Individuals (Chené Swart) https://www.goodreads.com/book/show/21546263-re-authoring-the-world

bottom of page