Épisode 11 : Gérer les histoires de conflit au sein des collectifs
- Fabiola Ortiz
- 18 sept.
- 19 min de lecture

Retranscription de l'épisode 11 : Gérer les histoires de conflit au sein des collectifs publié le 17 septembre 2025
[00:00:01.040] – Fabiola Ortiz (FO) : Bonjour à vous et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast : Je résiste, donc existe. Je résiste, donc existe. Le podcast qui met à l'honneur les actes de résistance face à l'adversité et face au discours qui nous limitent.
Mon invité d'aujourd'hui n'a plus besoin de présentation puisque c'est Dina Scherrer, figure incontournable des Pratiques Narratives en France. C'est la deuxième fois que j'ai le plaisir de la recevoir dans ce podcast. Et aujourd'hui, on va vous parler de gérer les histoires de conflits au sein des collectifs. Voilà, sans plus attendre, je reçois Dina Scherrer.
Bonjour Dina !
[00:01:20.180] – Dina Scherrer (DS) : Salut, Fabiola !
[00:01:22.900] – FO : Je suis ravie de te recevoir. On a organisé cette conversation un peu à la dernière minute dans nos agendas un peu chargés et à l'occasion du lancement de ce séminaire Master Class, qu'on va faire ensemble autour de gérer les histoires de conflits au sein des collectifs.
[00:01:48.140] – DS : Oui, je suis ravie de faire ça avec toi, Fabiola.
[00:01:51.760] – FO : On discutait sur ce qu'on avait envie d'aborder autour de ce sujet. Et, on s'était dit: Mais en fait, quelle est l'histoire de cette master class ?
[00:02:06.200] – DS : Déjà, ça fait un moment qu'on en parle, Fabiola. Pour Moi, il y a deux choses. Il y a le thème qui me tient à cœur, bien sûr, mais il y a ma rencontre avec toi, Fabiola. C'est-à-dire qu'on a une histoire toutes les deux. Ça fait maintenant quelques années qu'on se connaît. On a même partagé des bureaux ensemble.
[00:02:33.260] – FO : Tu te rends compte que ça fait plus d'une décennie qu'on se connaît !
[00:02:37.900] – DS : Oui, c'est vrai. Je suis ravie de cheminer narrativement avec toi. Il y a des rencontres comme ça. Moi, j'ai rencontré beaucoup de gens autour des idées narratives. Et puis, de temps en temps, il y a une rencontre qui me donne envie de cheminer. Maintenant, on forme ensemble aux Pratique Narrative, et j’en suis ravie.
Je l'ai fait avec Zed, Elisabeth Feld à un moment. C'était ma grande sœur narrative. Elle était dans les Pratiques Narratives avant moi et j'avais envie de cheminer avec elle. Et là, c'est pareil, quand je t'ai rencontrée, j’ai eu envie de cheminer avec toi. Je dirais que tu es ma petite sœur narrative. Mon intention avec cette master class, déjà, premièrement, c'était d'avoir un projet avec toi, parce que j'adore travailler avec toi. Là, on forme, toi tu formes à un endroit, moi à un autre. On va peut-être se retrouver un de ces jours et former ensemble. C'est déjà énorme. Mais là, j'avais envie vraiment qu'on ait un atelier toutes les deux, une master class. Et autour de ce thème qui nous tient à cœur à toutes les deux. Donc, c'est vraiment ma rencontre avec toi. L'envie et cette valeur importante pour moi qu’est le Partage.
Quand je partage ma pratique, en général, je l'ai expérimenté longtemps. J'ai besoin vraiment de montrer que ça marche. Et après, une fois que ça marche, j'ai envie de le partager. Je n'ai pas envie de garder pour moi ce qui marche. Donc, je suis ravie de faire ça avec toi. Ça, c'est la première chose que je voulais dire.
[00:04:17.740] – FO : Merci Dina. Je voudrais déjà te remercier. Je disais que notre rencontre remonte à une décennie, et c'est grâce à toi que découvert les Pratiques Narratives. Tu m'avais invité à un atelier Arbre de vie. Tu m'avais dit : « Mais viens, viens, parce que tu as une posture très narrative déjà. » Et après, j'ai découvert cet atelier, avec les Pratiques Narratives, on ne s'est plus quitté. Et après, j'ai eu la chance de me former avec toi, avec Elisabeth. Il y a eu aussi Catherine Mengelle, Fabrice Aimetti. J'aime bien ce terme de « grande sœur » que tu es pour moi parce que tu es hyper inspirante. Et c'est vrai que ça faisait longtemps qu'on travaillait et qu'on pensait autour de cette master class. Et plus récemment, on s'est dit que le conflit est un sujet qui fait beaucoup de sens pour toutes les deux et sur lequel on travaille depuis de nombreuses années aussi et que là, on avait envie de faire ça. Et donc moi, j'aurais envie de te demander : Pourquoi le conflit ? Qu'est-ce que c'est pour toi, le conflit ? Et on peut partager nos vues sur ça. Pourquoi ça fait sens aussi dans ta vie, dans ta carrière, d'avoir abordé ce sujet ?
[00:06:03.160] – DS : C'est marrant parce que je travaille beaucoup le conflit dans les organisations, etc. Et je ne me pose pas souvent la question : Pourquoi ? Quelle histoire ça a dans ma vie, le conflit ? Parce que je pense que chacun a une histoire particulière avec le conflit. C'est-à-dire, chacun peut le voir de façon différente. Il y en a qui voient ça comme une opportunité de régler des problèmes, etc.
Personnellement, si je devais être honnête, le conflit n'est pas un sujet très agréable pour moi. C'est-à-dire que je n'aime pas vraiment les conflits. Je les ai rencontrés, bien sûr, les conflits dans ma vie, au boulot, et ailleurs. Les situations de conflits ne me plaisent pas beaucoup. Donc, j'essaie ou de les éviter ou de les confronter. De plus en plus, aujourd'hui, je me sens assez solide pour y aller. Mais, je parle pour moi.
Alors, pourquoi les histoires de conflits ? Justement, vu comment le conflit m’a parfois blessée, j’ai à cœur de l’accompagner. Je suis une personne autodidacte, j'ai grandi dans l'organisation, j'ai bossé 20 ans. Et, justement, même si je ne les aimais pas, j'ai quand même été dans des conflits au sein des équipes. C'était très inconfortable pour moi et ça m'empêchait d'être qui je suis. Ça m'empêchait de communiquer, etc.
Je pense fondamentalement que, quand je deviens accompagnante, j'accompagne ce qui m'a manqué, en fait. Ça m'a manqué d'avoir quelqu'un, quand j'étais au cœur d'un conflit, qui me dise : « Attends, il y a peut-être une autre manière de voir. Il y a peut-être quelque chose qui est blessé chez elle, etc. » Cette compréhension, j'aurais aimé qu'on me l'amène à un moment donné où ça me perturbait. Aujourd'hui, c'est comme si, avec tout ce que j'ai appris, avec cette pratique, on en reviendra tout à l'heure sur les Pratiques Narratives, j'ai à cœur de faire gagner un peu de temps aux gens et d'aller là où, justement, j'aurais aimé qu'on vienne aussi me visiter à un moment donné et m'amener à voir les choses un peu autrement.
Donc, voilà pourquoi ce thème. J'ai à cœur que les gens, dans les équipes, à un endroit où on passe beaucoup de temps dans le boulot, on puisse le faire sans avoir la boule au ventre, en pouvant exprimer ce qu'on a à exprimer, en pouvant être ce qu'on a envie d'être au sein des organisations. Pour moi, c'est de retrouver du dialogue entre nous, de lever ce qui dysfonctionne et de le faire ensemble. C'est ça qui me tient à cœur.
[00:08:50.360] – FO : C'est intéressant ce que tu dis, parce que ça résonne. Juste avant de démarrer le podcast, je te disais : « Mon histoire avec le conflit vient de loin pour moi. »
J'avais un papa qui était très, très conflictuel. J'ai commencé à développer cette croyance que le conflit était mauvais. Et effectivement, j'avais horreur du conflit. Moi, j'étais la Suisse ! J'étais la neutralité dans la famille. Et en fait, il y a un travail que j’ai fait. J'avais eu aussi une relation particulière avec la colère, comme si elle était mauvaise en elle-même.
Et j'en suis beaucoup revenue parce que je trouve que le conflit, c'est aussi l'opportunité de grandir ensemble. C'est une question de perspective et quelque part aussi de compétences. Si on donne les clés pour aborder des tensions, on évite d'arriver à des stades assez destructeurs du conflit. Dans ma carrière de coach, j'ai beaucoup travaillé sur l'intelligence relationnelle, pouvoir donner des clés pour dire : « Écoutez, le conflit, c'est normal, ça fait partie de la dynamique humaine et relationnelle. » En fait, c'est intégrer la régulation.
C'est pourquoi ça a résonné très fort quand tu m'as proposé de travailler sur ça. Puisque, de toute façon, c'est quelque chose que, chacune de son côté, travaille déjà beaucoup dans l’accompagnement.
Comment, d'un point de vue narratif, tu décrirais le conflit ? Qu'est-ce que c'est, pour toi, le conflit d'un point de vue narratif ?
[00:11:05.080] – DS : En t'écoutant, ça m'est venu aussi l'envie de partager autre chose. Depuis que je suis coach (2007-2008), j'ai accompagné un peu tout. Mais, je me suis aperçue que là où ça avait du sens pour moi d'être, c'est face à des gens qui souffrent. Là où je me sens utile, je ne l'ai pas choisi, mes pas mon guidé, face à ces publics, face à ces collectifs ou même ces gens en particulier qui ont besoin d'aide. Et les équipes en conflit ont besoin d'aide. Donc, c'est là où je me sens utile. Ça a un sens inouï pour moi d'être à cet endroit-là.
C'est bien de savoir pourquoi on est fait. Et moi, je pense que je suis faite pour cela. En tout cas, je me sens utile, face à des gens qui sont confrontés à des difficultés, des gens qui souffrent. Et donc, ramener la paix, les aider à trouver leur solution etc. À que ça aille mieux, ça a beaucoup de sens. Je voulais juste dire ça parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, c'est vraiment le cœur de mon métier. Donc ta question, c'était : Comment les pratiques narratives aident ?
[00:12:33.780] – FO : Oui, la vision conflit d'un point de vue narratif ? Si tu devais poser comme une définition.
[00:12:49.920] – DS : Dans les Pratiques Narratives, un des concepts qui m'a attiré vers cette pratique au tout début, c’était celui de comment on travaillait les histoires de problèmes. Quand j'ai commencé à rencontrer les Pratiques Narratives, tous les concepts étaient intéressants, mais en tout cas, la porte d'entrée, pour moi, ça a été vraiment le concept : comment on travaillait les histoires de problèmes.
Dans les Pratique Narratives, la personne n'est pas le problème. Il y a le problème et il y a la personne. Avec les collectifs, c'est la même chose. C'est-à-dire souvent, moi, ce que j'ai vécu et ce que je vis avec les personnes que j'accompagne, c'est que souvent, quand j'arrive dans une équipe qui dysfonctionne, c'est : « Madame, je vais vous dire qui c'est le problème. C'est elle, c'est lui, etc. » Donc, c'est sortir de cette notion selon laquelle la personne est le problème.
Franchement, sans les Pratiques Narratives, je ne sais pas si mes pas m'auraient guidé vers le conflit, parce que j'aurais été totalement désarmée. Alors, j'aurais peut-être trouvé autre chose. Mais ce qui m'a donné envie d'y aller, c'est cette manière de pouvoir travailler en conflit sans que personne ne soit le problème. Ça, en tout cas, ça a été tout le défi.
Et donc, si la personne n'est pas le problème, il faut bien que le problème soit quelque part. Donc, on fait solidarité avec l'équipe pour enquêter sur ces histoires de problèmes qui pourrissent l'équipe. C'est une autre posture et c'est une autre manière de regarder les histoires. La personne n'est pas le problème, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Et on va aller identifier ces histoires de problèmes qui peuvent être : manque de confiance, manque de solidarité, violences relationnelles. Voilà. Et là, ça redevient dignifiant pour les gens de se mobiliser. Là, à nouveau, ils ont de la ressource.
[00:14:42.300] – FO : Oui. Pour moi, quelque chose qui m'a beaucoup inspirée dans cette perspective narrative, à un niveau individuel, d’abord, c'est cette idée que l'identité est une construction sociale. Et que cette construction sociale, est alimentée par toutes les histoires qu'on raconte, qu'on se raconte, qu'on intègre. Avec l’identité collective, c'est pareil. C'est-à-dire qu'en tant que groupe, on a une identité collective qui est construite autour des histoires. Donc, selon cette perspective narrative, à un moment de la vie de l’équipe, les histoires qui nous opposent prennent plus de place, elles deviennent dominantes par rapport aux histoires qui nous relient. Parce qu'il y a toujours des histoires qui nous relient.
C'est comme s'il y avait une espèce de disruption de cette identité collective et que quelque part, on va parler aussi du pouvoir de la métaphore, nous venons réparer cette identité collective pour la ressouder autour d'histoires qui ne sont pas l'histoire du problème.
[00:16:13.260] – DS : Exactement. D'ailleurs, ce sont ces idées qu'on vient d'évoquer qui ont nourri notre atelier. Comment on déconstruit ces histoires ? Le concept de déconstruction de ces histoires. Parce avant d'aller honorer, toutes ces belles histoires qui nous relient, ces histoires de valeurs qui fait qu'on ne fait pas ce métier par hasard, qui fait qu'on se retrouve là, etc.
Il y a aussi une manière d'aller comprendre ce qui se joue et puis les histoires qu'on se raconte par rapport à ce qui se joue. Moi, ce que j'ai compris, en tout cas, et c'est très narratif aussi, c'est que dès que j'arrive devant une équipe qui dysfonctionne, elle a quand même besoin de se sentir entendue et reconnue dans ce qu'elle vit. C'est bien d'aller traiter ce qui ne va pas. Elle a besoin de comprendre ce qui se passe. On ne fait pas l'économie de tout ça.
Donc, moi, j'adore poser cette question quand j'arrive quelque part, quand il faut qu'ils changent, et qu’ils n'en ont pas envie, c'est : Qu'est-ce que vous ne voulez surtout pas changer ? Qu'est-ce qui est très important pour vous et que vous craignez de perdre dans ce que vous vivez ?
C'est d'entendre la plainte : que les gens se sentent entendus et reconnus dans ce qu'ils vivent de difficile dans l'équipe. Ça, c'est très important aussi, puisqu'on parle de ce qui est puissant dans ce qu'on va partager. C'est déjà : Comment faire en sorte que les gens se sentent entendus et reconnus dans ce qu'ils vivent ? Il n'y a que quand ils se sentent entendus et reconnus, que le travail peut commencer à se faire. Sinon, ils vont freiner des quatre fers, tant qu'ils vont rester avec cette impression que ce n'est pas bien ce qu'ils vivent, qu'ils ont peur de perdre leur job, je ne sais pas quoi. Donc, c'est très important d'entendre ça.
[00:18:12.320] – FO : Ce que tu dis est puissant parce que, pour relier aussi avec le sujet du podcast, c'est honorer les résistances. Qu'est-ce que les gens résistent face à ces histoires de conflits ? Le conflit, c'est une forme d'adversité parce qu'une fois qu'il est vraiment déclaré et qu'il occupe la place, il nous renvoie à des instincts assez primaires d'opposition et de gagnant-perdant et de tout ce qui est d'antagonisme, en fait. Donc, à quelque chose aussi d'assez animal, si on parle de neurosciences aussi, à des réactions. Et donc, c'est ce que tu dis, c'est puissant parce que c'est honorer ces résistances, ce que les gens ont pu exprimer.
[00:19:06.280] – DS : Absolument. Alors, pour moi, c'est honorer les résistances. Tu vois, là, on a déjà parlé de quelques concepts qu'on va aborder dans notre atelier et qui sont très importants. Gérer les histoires de conflits, c'est se sentir entendu et reconnu dans ce qu'on vit, c'est déconstruire les histoires de problèmes ou en tout cas les histoires qu'on se raconte ou qu'on raconte. La personne n'est pas le problème et on honore les résistances. C'est-à-dire : avant de proposer des solutions aux personnes, qu'est-ce qu'elles ont déjà fait pour résister ? Honorer le fait qu'elles ne nous ont pas attendu toutes les deux pour résister.
Et tout ce qu'on va voir dans notre Master class, c'est comment on fait tout ça ? Quelle est l'invitation ? Et comment s'y prendre pour honorer tous ces concepts ?
[00:20:01.520] – FO : On va parler dans la Master class aussi des métaphores, le pouvoir de la métaphore, parce que justement, le principe de la personne n'est pas le problème, le problème est le problème. On personnifie le problème. On parle d'externalisation en Pratiques Narratives pour ceux, celles qui nous écoutent, qui ne seraient pas praticiens. On parle d'externalisation, c'est-à-dire que les problèmes sont des entités à part, c'est des entités narratives. Il y a un côté aussi presque ludique et qui dédramatise aussi tout en prenant le sujet très au sérieux.
[00:20:49.540] – DS : Oui, c'est vrai. D'ailleurs, je me souviens de ce qu'avait dit David Epston, un des initiateurs des Pratiques Narratives. Il avait conseillé de faire de nos séances une plateforme joyeuse. On peut parler de sujets sérieux, mais sur une plateforme joyeuse. Donc, le côté ludique. C'est beau ça. Oui, le côté ludique, ça ne veut pas dire se moquer, ça ne veut pas dire ridiculiser le problème. Non, ça veut dire le considérer comme une personne. Oui, comme tu as dit, une entité à part. Lui donner un nom. Enfin, moi, mes clients peuvent appeler, par exemple, « violences relationnelles » ou tout autre chose.
[00:21:33.860] – FO : Mais en fait, c'est intéressant ce que tu dis, ce côté ludique, ce n'est pas se moquer, c'est ajouter un peu de légèreté, faire de la place à l'imaginaire.
[00:21:47.300] – DS : Absolument.
[00:21:48.180] – FO : Et c'est ça aussi le pouvoir de la métaphore. La métaphore est proposée et pourtant, tout le monde peut y contribuer d'une façon très créative. Donc, les gens vivent déjà une expérience où leur singularité enrichit le groupe. C'est comme si 'exercice même était déjà modélisant sur le fait de: J'ai une valeur ajoutée dans cette équipe. Et ça, c'est quand même quelque chose qui commence à créer l'unité, mais l'unité face au problème aussi.
[00:22:31.120] – DS : Oui, moi, j'aime bien parler de solidarité. C'est-à-dire qu'une fois qu'on a nommé le problème d'une équipe, le problème ne s'appelle plus Madame Machin ou Monsieur Machin. Donc, du coup, on ne peut pas lutter contre... Si le problème est la personne, il faut la virer. Et on a tous vécu le fait de désigner une personne dans une équipe, on la vire et le problème est toujours là.
Donc, à partir du moment où le problème a un nom qui n'est pas le nom d'une des personnes de l'équipe, on peut faire solidarité ensemble pour chasser, par exemple, « violences relationnelles » de l'équipe sans se sentir le problème. Donc oui, effectivement.
Je voulais juste revenir sur la métaphore. Alors, il y a le côté métaphorique de nommer un problème et d'en faire une entité à part entière. Mais dans la gestion de conflits, la métaphore, elle peut servir aussi de manière hypnotique à créer un espace métaphorique pour amener la personne ailleurs, en fait. Par exemple, l'arbre de vie est une méthode métaphorique et hypnotique qui permet aux gens d'avoir accès à leurs ressources très rapidement.
Parce qu'ils ne parlent pas d'eux, ils parlent d'un arbre. On met un filtre entre nous et ce qu'on a à dire. Donc, j'aime bien employer la démarche métaphorique pour amener les gens ailleurs. C'est-à-dire, j'aurais plein d'exemples, mais on va voir comment on crée des espaces métaphoriques pour pouvoir donner aux gens la possibilité d'avoir accès à leurs ressources, etc.
C'est peut-être un peu tôt pour en parler là, mais moi, j'utilise beaucoup le voyage de vie. Par exemple, dans un de mes accompagnements, les membres de l’équipe disaient qu'on avait jeté un mauvais sort à leur équipe. Parce que depuis quelque temps, c'était comme ça. J'ai donc rebondi sur le mauvais sort en disant : Maintenant, on va créer des antidotes. Et puis, on a vraiment fait tout un truc autour des chaudrons magiques avec les antidotes pour contrer le mauvais sort, créer des incantations.
Donc, en reprenant un peu univers et leurs mots, on peut créer des espaces métaphoriques pour les embarquer. Et là, ça devient un peu plus facile et accessible pour eux.
[00:25:03.160] – FO : Oui, on parlait de la puissance des Pratiques Narratives en tant que pratique identitaire. C'est-à-dire que vous allez, que ce soit en individuel, et là, en collectif, travailler, non pas à résoudre les problèmes. Vous allez travailler à un niveau supérieur qui est l'identité du groupe.
Et une fois que l'identité est réparée, il y a ce phénomène, comme tu dis, de solidarité et on peut faire face au problème et à l'équipe de trouver quelles sont les meilleures solutions. C'est quelque chose qui me séduit profondément dans les Pratiques Narratives : ce n'est pas une pratique orientée solution de problèmes. On est à un niveau supérieur. Quelle est l'identité du groupe et comment on peut en faire un levier d'accompagnement très puissant ?
[00:26:10.380] – DS : En tout cas, ce qui est dans les gènes de l'approche narrative, c'est d’honorer la justice sociale. C'est une pratique assez engagée fondée sur cette solidarité. Là, on a déjà abordé pas mal de sujets qu'on verra dans notre atelier sous forme plus pratique : comment on le met en place.
David Denborough qui dit : Faire de nos clients les porte-paroles d'un problème social. David est celui qui a initié l'Arbre de vie avec Ncazelo Ncube, que tu connais bien, Fabiola, puisque tu as traduit un de ses livres.
Il dit : C'est comment ce qu'on fait avec eux, ce qu'ils mettent en place, leurs idées, etc. Comment on peut aider d'autres avec ça ? Il y a quelque chose de très solidaire du fait de pouvoir contribuer à la vie des autres. Ces idées qu'ils ont eues, qui vont régler peut-être leurs problèmes, peuvent aider à d'autres équipes, etc. C'est vertueux tout ça. Comment on va utiliser ces idées plus largement. Pas juste dans leur environnement initial.
C'est éminemment puissant de s'apercevoir que ce qu'on met en place va aider d'autres. On se sent utile. Donc c'est très puissant. Ça, on le verra aussi parce que, une fois qu'on a réglé les conflits, il faut ancrer le changement, il faut réécrire une nouvelle histoire ensemble. Et, avec leur accord, le levier supplémentaire de comment ces idées peuvent être utiles à d'autres. Et ça, c'est vraiment ce qu'apportent les idées narratives comme ancrage, pour consolider tout ça.
[00:28:02.120] – FO : Pour donner aussi quelques clés des techniques qu'on va donner : il y a aussi comment travailler sur les valeurs incarnées de l'équipe. Comment on peut faire ce qu'on appelle des cérémonies définitionnelles, c'est-à-dire des rituels qui renforcent cette nouvelle identité. On parle d'identité préférée parce que, même si le problème continue à exister, il n'est plus dominant.
Et puis, parfois, il est résolu parce que justement, c'est ce que tu disais, le conflit est réglé, il y a une nouvelle dynamique dans l'équipe. Ce sont des sujets qu'on va aborder aussi : comment vous mettez tout ça en place et comment on va articuler un accompagnement de collectif.
Il y a une autre chose dont je voulais parler, parce que c'est une question que nous nous sommes posé. La question : Est-ce qu'il faut être praticien narratif pour faire ce séminaire ? Nous sommes arrivés à la conclusion que les Pratiques Narratives sont très systémiques. Parfois, les collectifs sont coincés dans la logique : La personne est le problème. On va la virer et le problème subsiste. C'est parce qu'il y a une dimension systémique.
Notre conclusion est que ces techniques sont accessibles à d’autres praticiens. Nous ferons en sorte que les personnes qui ne sont pas praticiens, praticiennes narratives, puissent avoir accès à tous ces concepts et à une mise en pratique très, très rapide.
[00:29:56.960] – DS : Oui, je suis tout à fait d'accord avec toi. On a vraiment réfléchi à rendre tout ça très accessible et surtout très pratico-pratique. On a vraiment à cœur, à l'issue de cette master class, que dès le lendemain, on ait envie de le mettre en pratique. Il ne faut pas que ça reste des concepts. Dans cet atelier, vous allez beaucoup expérimenter. Il y aura des cas. On le veut vraiment très pratique.
[00:30:26.100] – FO : Et puis, dire aussi qu'on ouvrira des espaces de supervision.
[00:30:31.820] – DS : Ceux qui le souhaitent, bien sûr, pour mettre en pratique.
[00:30:34.520] – FO : Ceux qui le souhaitent, afin de mettre en pratique des interventions auprès des équipes. Et puis, va savoir, peut-être pour les personnes qui ne sont pas encore praticien praticiennes, peut-être ça leur donnera envie aussi d'expérimenter, d'aller un petit peu plus loin dans la réflexion.
[00:30:52.980] – DS : Oui, ça serait aussi une idée, effectivement.
[00:30:58.560] – FO : Oui, pour conclure, Dina. Tout à l'heure, je disais du mal de mon papa qui était très conflictuel, mais je vais quand même honorer sa mémoire sur quelque chose que j'ai hérité. C'était quelqu'un qui avait la conviction qu'il pouvait changer le monde à lui tout seul. C'était un Quichotte. Il m'a transmis ce rêve que, dans la mission qu'on fait, à notre petite échelle, quelque part, on peut changer le monde. Moi, je me dis qu'en diffusant les Pratiques Narratives, en diffusant des manières d'accompagner le conflit et de renforcer l'identité préférée des équipes, on contribue à construire aussi un monde d'entreprise où, pour moi, mon rêve, c'est qu’on travaille dans le gagnant-gagnant, dans quelque chose d'équilibré. J'adore le terme de « robustesse » et pas de « performance », parce que la robustesse, c'est l'équilibre et le long terme. J'aimerais te donner le mot de la fin : Quel est ton rêve pour ce genre d'intervention et ta mission en tant qu'intervenante ?
[00:32:40.020] – DS : Tu as parlé de ton père, j'ai envie de parler de ma mère. Je ne sais pas pourquoi elle s'invite là subitement. Elle n'était pas conflictuelle du tout. Elle projetait cet amour inconditionnel, en fait. J'ai envie de parler de ça : comment, sous son regard, on ne se sent jamais nulle. Dès qu'on éternuait, elle en faisait un tableau qu'elle affichait dans le salon. Tout ce qu'on faisait était extraordinaire. Sans aller jusque-là. Je voulais honorer ma maman qui vient de fêter ses 90 ans. De temps en temps, même aujourd'hui, je me réfugie dans son regard, même si je l'appelle pas. Dès que je suis un peu confrontée à une histoire de problème. Je sais qu'il y en a d'autres où je ne suis pas ça. J'ai ma maman, mais j'ai plein d'autres gens. C’est l'importance du club de vie, on le verra aussi dans notre atelier, comment on se construit à travers des regards d'amour qu'on a pu poser sur nous. Parce que les gens ont besoin, pour régler les conflits aussi, de se reconnecter à des gens, à d'autres gens.
Ce que je voudrais dire comme espoir : depuis que je suis Praticienne Narrative et de plus en plus, peut-être parce que je vieillis aussi, le monde s'est beaucoup adouci autour de moi. C'est-à-dire que je vois moins de cons. Avant, dès qu'on me dit un truc qui me déplaisait, je me disais : Quel con ! Aujourd'hui, ça peut encore m'arriver un peu, mais très vite, ça se calme. Je ne casse plus une relation instantanément. Et parce que la deuxième chose qui me vient à l'esprit instantanément, c'est : qu'est-ce qui est précieux pour lui et que je n'ai peut-être pas vu ? Etc.
C'est-à-dire vraiment de me dire que la personne n'est pas le problème. Mais par contre, il y a un problème entre nous deux qui est venu s'inviter entre nous. Et quel nom je pourrais donner à ce problème qui est entre nous deux pour redonner de la latitude à agir. Et souvent, c'est peut-être relation de pouvoir. Tiens, il veut faire passer son idée plus que la mienne, etc. Et là, subitement, il y a de l'empathie qui revient. Et dans les équipes, c'est pareil. J'aimerais beaucoup que le monde s'adoucisse dans les organisations et que chasser le conflit, ce n'est pas possible parce qu'il y aura toujours des gens pas d'accord, ou avec des enjeux différents. Mais d'aller un peu plus à la rencontre, qu'il y ait plusieurs étapes avant de souffrir. C'est ça que j'aimerais très modestement amener dans les organisations : un peu plus de douceur dans les relations.
[00:35:40.680] – FO : Merci Dina. J'ai été ravie d'avoir cette conversation et j'ai vraiment hâte qu'on soit à notre séminaire. Pour rappel, c'est le 26 et le 27 novembre. Ce sera en présentiel à Paris, dans le 15ᵉ arrondissement, à l’Enclos Rey. Vous avez toutes les données pour inscription sur une page, sur mon site Ithacoach. Vous avez un lien d'inscription sur la page du séminaire.
Du fait des modalités très expérientielles et interactives, nous avons fait le choix de faire un groupe limité. Si vous avez l'envie, la disponibilité, on vous conseille de vous inscrire très vite parce qu'on a déjà pas mal d'inscrits. On a hâte de vous y retrouver.
[00:36:54.300] – DS : À très bientôt. Oui, moi aussi, j'ai hâte de vous y retrouver.
Page du site pour l’inscription :
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